La guerre est ouverte dans la Valle di Susa, Italie

C’est à la suite de l’attaque démesurée de 2500 policiers contre la petite commune autonome de Maddalena, située dans le Val Susa, une puissante riposte s’est mise en branle, réunissant des dizaines de milliers de résistants-es au projet du TAV (train à grande vitesse) Lyon-Torino. Voici une revue de cette  bataille, postée sur Jura Libertaire

3 juillet : le chantier du TGV Lyon-Turin pris d’assaut

En attendant les récits de témoins directs de la grande manifestation du 3 juillet 2011 en val de Suse, voici quelques premières infos qui apparaissent dans les médias italiens, qu’ils soient indépendants (comme Radio Onda Rossa et Radio Black Out) ou bourgeois (photos et vidéos sur le site du quotidien turinois La Stampa et des autres grands quotidiens nationaux).

Depuis des années, une très forte opposition populaire repousse le démarrage du chantier du TGV Lyon-Turin (TAV) côté italien. En 2005 déjà, le forage de la première galerie avait été stoppé par une mobilisation impressionnante et notamment par la célèbre « bataille de Venaus » (1.2). Aujourd’hui les travaux sont censés commencer à nouveau, de maniére imminente, sur le site de la Maddalena, qui a été occupé par un campement « NO TAV » pendant un mois, puis évacué par la police lundi 27 juin 2011.

Une semaine plus tard, dimanche 3 juillet, le mouvement avait appelé à une manifestation nationale et internationale pour « assiéger le chantier ». Mission accomplie. 60.000 à 70.000 personnes (6000 à 7000 selon la police) ont conflué en 3 cortèges, sous le ronron permanent des hélicoptères, jusqu’au terrain du campement de juin, ainsi réoccupé. Des centaines de personnes se sont ensuite attaquées aux clôtures du site du chantier, défendues par 900 policiers. Les autorités parlent de 800 « antagonistes radicaux » lié.e.s au mouvement des centres sociaux, et de 300 « étrangers, venus de France, d’Espagne, d’Allemagne et d’Autriche », aux méthodes qualifiées tantôt de « para-militaires », tantôt de « para-terroristes ». Les affrontements ont duré 6 heures, sur au moins trois « fronts », parfois raides et boisés. La clôture a été percée à plusieurs endroits mais la police est toujours parvenue à repousser les assaillant.e.s. Lance-pierres et gros pétards d’un côté, lacrymos et flashball de l’autre : en fin de journée la police annoncera près de 200 blessés dans ses rangs, et les NO TAV 233. Du côté des manifestant.e.s, on parle d’intoxications aux lacrymos, et surtout de grenades lacrymogènes tirées non pas en l’air ou vers le sol, mais à hauteur de visage comme de véritables projectiles. De nombreuses personnes ont ainsi été blessées au thorax, à l’épaule ou au bras, comme le correspondant italien d’Al-Jazeera, qui a été brièvement hospitalisé. 5 manifestant.e.s italien.ne.s ont été arrêté.e.s lors des contrôles de police qui filtraient les sentiers environnants en fin d’après-midi.

Du fait des affrontements, les travaux ont été interrompus. Mais le ministre du Transport, ancien membre du parti néo-fasciste MSI, a déclaré : « Ce n’est pas un groupe restreint (!) de violents et de délinquants, arrivés sur le chantier de la Maddalena depuis toute l’Italie et depuis l’étranger, qui fera changer d’avis le gouvernement, qui entend réaliser la ligne TGV dans le respect des accords et des engagements internationaux. Le Lyon-Turin est un projet qui génère développement, croissance et emploi, et qui est par conséquent prioritaire. » La carte de la division entre bon.ne.s et mauvais.es manifestant.es est évidemment jouée sans modération par tous les partis politiques, et est reprise à la une des grands quotidiens. Le président de la République, ancien membre du parti communiste italien, s’est lui-même fendu d’un communiqué où il affirme : « J’applaudis les forces de l’ordre et exprime ma solidarité envers elles, qui comptent un grand nombre de blessés. Tout le monde en Val de Suse, par des comportements clairs, doit se préoccuper d’isoler toujours plus les professionnels de la violence (et c’est pas une référence aux flics!). » Les journalistes sont sur le même registre, et nous donnent une nouvelle fois des exemples édifiants de ce qu’ils défendent comme étant leur « objectivité ». Ainsi, le scribouillard de la Repubblica, journal associé au centre-gauche, écrit que les « jeunes » qui se sont lancé.e.s à l’attaque des clôtures du chantier « se fichent probablement du TGV, ils cherchent seulement l’affrontement ». Bien sûr, le terme « black blocs » ressort à tout va.

Mais les journaux concèdent parfois ce que plusieurs témoins racontent : le retour en fin de journée dans les villages de ces « jeunes violents », applaudi.e.s par les habitant.e.s sur leur passage. Le principal syndicat italien « de classe et de combat », l’USB, fort de 250.000 adhérent.e.s, a déclaré son « soutien inconditionnel à la révolte populaire du Val de Suse ». Des leaders informels du mouvement NO TAV ont déclaré que « les black blocs sont au Parlement », que le siège avait réussi et que la journée avait été une victoire. « Ils savent maintenant que ça va continuer comme ça, qu’ils subiront d’autres actions, moins grosses mais continuelles. » Tandis que croîtront à la fois la mobilisation, à la fois les coûts du projet, « ils ne tiendront pas la pression ». « Le TGV ne se fera jamais. »

"Le Val de Suse exige le respect. Non au TGV... Non à la mafia"

Plus d’infos:

http://www.notav.eu/

Voir Révolte populaire au Val de Susa, pour un compte-rendu de la dernière semaine de lutte.

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