La survie est un acte de défiance

Une entrevue avec Sean Swain

Prisoner Letters a publié sa seconde entrevue, où le prisonnier anarchiste Sean Swain parle d’isolement solitaire, du travail en prison et d’autres thèmes. C’est une traduction intégrale, et l’originale de l’entrevue en anglais peut être lue ICI.

(A): Hé Sean, ici ton-ta copain-e. Tu voudrais commencer en parlant un peu de ton histoire (quel âge tu as, comment c’était pour toi de grandir, tes intérêts)?

Sean: J’ai grandi dans une banlieue de Detroit, Michigan. Anchorville. Ça existe plus maintenant. Ça a été annexé, divisé entre deux cantons ou quelque chose. J’ai vécu dans un parc de roulottes entouré par un boisé, et puis quand j’y suis retourné à la fin des années ‘80, tous les arbres étaient disparus.

C’est comme si mon enfance avait été annexée et sectionnée. Comme si la Matrice efface occasionellement nos histoires, nos passés, tout ce qui nous ancre à un lieu ou un temps.

Cette région du Michigan est d’où provient l’idée des «Démocrates de Reagan» -des zones de classe ouvrière complètement remplies de zombies de centres commerciaux complètement inconscient de leur classe. J’étais un boy scout. Je jouais au baseball. Je bégayais et j’étais maladivement timide jusqu’à environ la 11ième année d’école au moment où je présume que j’en avais marre de vivre dans la constante peur d’être rejeté ou de l’opinion des autres. Jusqu’à ce moment, j’ai travaillé très dur à me rendre invisible et à passer inaperçu. J’ai vécu totalement terrifié jusqu’à la onzième année. Pas sûr qu’est-ce qui a déclencé ça, mais j’ai cessé de me foutre de ce que les autres pensent. C’était libérateur. Je me suis donné la permission d’exister. La job de mon père a été transférée, or après avoir gradué j’ai déménagé en Ohio, où j’ai roulé sur une boîte aux lettres, détruit ma voiture, et laissé mes parents me convaincre de joindre l’Armée… pour la «discipline». Traduit: «traumatisme».

Après deux ans de service, mon esprit était totalement mal-géré. L’Armée nous pompe cette fausse trame des «loups à nos portes»… la Russie ou la Chine ou le Nicaragua ou Cuba ou Al Qaeda ou ISIS, et ainsi de suite. Des manipulateurs cyniques dirigent TOUT.

Après l’Armée, je me suis senti perdu, à la dérive, sans raison d’être. Je ne voulais pas plus d’éducation… ou une quelconque travail fastidieux. Je voulais écrire, me sentir connecté avec la communauté, me sentir contribuer à quelque chose qui fait du sens. À la place, j’ai eu des jobs de station d’essence et des cours au collège qui n’avaient que du bruit insensé à offrir.

(A) Combien de temps tu as été incarcéré et pour quelle raison?

Sean: J’ai été mis sous verrou en 1991. Le neveu du Clerk of Courts a défoncé la porte de ma résidence en disant qu’il était pour me tuer. Je lui ai donné des coups de poing et l’ai poignardé. À cause de qui il était, la police et le Procureur Kevin Baxter ont couvert la partie de l’invasion de mon domicile et ont déclaré que je l’ai assassiné. C’est en fait une explication abrégée bien entendu. Une cour supérieure a renversé mon jugement et ordonné un nouveau procès. La présente cour de procès a refusé de faire ce qu’ils disaient et, légalement, vingt-trois ans plus tard, j’attend encore le procès équitable qui a été ordonné.

J’espère avoir prochainement beaucoup d’informations sur ça posté sur la page Facebook du Comité de défense pour Sean Swain et sur seanswain.org, pour quiconque est intéressé-e. À plusieurs reprises j’ai eu un test de polygraphe alors que j’ai passé plus de ma vie sous verrou qu’en liberté.

(A): Je comprends que tu es un anarchiste auto-proclamé; comment et quand t’es-tu tourné vers l’anarchisme?

(Sean): Je sais pas ce si je me suis tourné vers l’anarchisme autant que j’ai glissé dedans. Avant la prison, j’étais un produit sans pensée des écoles publiques et du fourrage cébéral militaire, totalement perdu et déconnecté et aliéné. Or, j’ai fait l’expérience d’un mécontement complet mais n’en savais pas assez pour pouvoir rejeter la propagande, la mythologie de notre étau-civilization dystopique.

Même après avoir été faussement jugé, j’ai cru par expérience que c’était une anomalie et alors que je sentais cette opération du système comme pourrie, je remettais toujours pas en question sa légitimité. C’est fou, non? Or en prison, j’ai travaillé pour des réformes et me suis battu en cours et écrit des plaintes pour m’objecter à mes conditions ou au mauvais traitement. Une béatitude ordinaire. Complètement idiot.

Et à chaque forclusion de réparation judiciaire, mes yeux ce sont ouvert peu à peu. J’ai vu que toutes ces luxueuses promesses dans les cours de Droit civil étaient complètement mensongères. Ça ne voulais rien dire pour les systèmes qui exploitent et oppriment. J’ai vu que l’État n’opère pas de bonne foi. Il désire seulement nous garder tous-tes sur les sièges qui nous sont assignés. Or, vint en premier Marx, le Manifeste Communiste, Das Kapital, la révolution. Mais cette solution semblait fausse aussi parce que c’était une solution qui faisait partie du problème. Un autre État, ou un exploiteur et oppresseur, mais d’une autre variété. Même discours, nouvelle job de peinture.

C’est drôle aussi. L’État porte beaucoup d’attention à ce que je lis. Par exemple, il a banni «V for Vendetta». Il a peur d’un comic book. Mais longtemps avant que je lise d’anarchistes, l’État s’était déjà fait un ennemi à vie en mettant au clair qu’il était un ennemi pour moi.

Je n’ai pas eu besoin d’Emma Goldman pour m’expliquer que l’État était un intimideur et un trou-du-cul. J’avais déjà les cicatrices et éraflures qui m’en ont persuadé. J’ai pour la première fois rencontré les idées de l’anarchisme de la part d’Anthony Rayson, de la South Chicago Zine Distro. En ce sens, j’ai suivi Anthony creux dans le trou du lapin.

(A): À travers tes publications et ton foutage de trouble en général, l’État t’as évidemment vu comme une menace assez grande pour justifier des transferts et de l’isolement solitaire. Est-ce que tu peux parler de ces expériences?

(Sean): Je pense que c’est Orson Wells à la défense de Sacco et Vanzetti qui a observé que l’État n’est pas capable de distinguer entre une critique réfléchie de l’échec de ses programmes d’une main, et de l’autre des méfaits malicieux. Je trouve ça vrai.

Si tu «opposes» ou «critiques» ou «objectes» le programme de l’État d’une quelconque façon, peu importe ton raisonnement intellectuel ou logique, tu n’est rien de plus qu’un singe possédé par l’esprit du Mal qui lance des étrons. Tu es cinglé-e et un coucou et un fouteur de trouble infantile qui s’amuse à détruire des châteaux de sable par ressentiment. Et pour empirer les choses, plus tu articules bien tes arguments, à déconstruire les failles logiques aux racines de la hiérarchie, et défend une alternative -bref, le plus tu es capable de parler au-dessus de la tête des agents fascistes- le plus tu provoques leur colère et leur peur.

Tu t’attaques, après tout, à des hauts-prêtres de l’anti-connaissance. La stupidité et la brutalité, et l’obéissance aveugle sont les vertus, après tout.

J’ai été capable de mesurer mon influence en mesurant l’intensité de la violence de mes capteurs, parce que la captivité est de la violence, les menottes sont de la violence, la restrainte est de la violence, l’isolement est de la violence, la torture est de la violence.

En 2007, Anthony Rayson a publié Last Act of the Circus Animals, que j’ai co-écrit avec Trowis Washington, et son entrevue One Teach One avec moi. Ça a pris un an aux agents de prison à les lire et en 2008, j’étais jeté dans le trou et assigné à une prison supermax par fausse représentation de mes observations dans Each One Teach One. C’est drôle, mais j’ai toujours considéré Last Act l’ouvrage le plus dangereux que j’aie écris. Ce fut lu à «l’heure des histoires» par un collectif de Chicago auprès de jeunes anarchistes, un groupe qui a produit au moins un membre d’Anonymous et un membre du NATO Five
J’ai cru comprendre qu’une autre copie a été lue par un-e des futurs organisateurs-rices d’Occupy, et une autre a été trouvée dans un squat de la Earth Liberation Front durant un raid du FBI.
J’ai reçu du courrier de lecteurs de Last Act de Grande Bretagne et de Russie. En 2008, c’était partout. Incroyablement dangereux, ai-je pensé. Mais les fascistes voulaient m’envoyer en supermax pour des observations innoffensives dans une entrevue. Ridicule.

Donc, dès 2008, l’État a commencé à employer une campagne de terreur pour me force à arrêter d’écrire, ce qui démontre à quel point l’État est stupide et déraisonné. Le silence est la dernière chose que le terrorisme d’État va produire. Étant la cible de harcèlement, se la fermer ne ferait que rendre ma situation pire. Mon écriture est devenue une méthode pour mobiliser du support pouvant mettre de la pression pour mettre l’État sous examen. Or, en un sens, en tentant de me faire arrêter d’écrire, le terrorisme d’État m’a provoqué à écrire encore plus.

Comme résultat, on a ce cycle où l’État commet des atrocités, je les décris, d’autres y mettent l’emphase et offrent du support, l’État se met à craindre l’influence de mes écrits, et l’État commet plus d’atrocités pour me faire taire… et ainsi de suite.

Par conséquent, j’ai maintenant beaucoup plus de visibilité, et d’influence que mon imagination limité ne mérite.
La création de seansswain.org en 2009 et son relancement en 2012, cependant, a déclenché un niveau entièrement nouveau de peur et d’angoisse fasciste. Mes idées, les idées dont ils ont une peur irrationnelle, ont été projetées dans un médium au-delà de leur contrôle. Ça les a rendu cinglés parce qu’ils ne pouvaient débrancher la prise de l’internet. Mais ce n’était pas avant que je questionne la légalité de leurs maîtres corporatifs, quand j’ai écrit sur l’illégalité de la corporation de sous-traitance-pour-les-profits JPay Corporation qu’ils ont décidé de débrancher ma connexion.

Ils ont confisqué ma machine à écrire et l’on détruite, m’ont torturé, m’ont terrorisé durant un an, et m’ont envoyé dans la supermax d’Ohio pour une année d’isolement à broyer l’esprit, avec la promesse de futurs poursuites des procédures à l’office de la libération conditionnelle sous des prétextes non-existent de «violation des règles» qui justifient toute cette répression. J’ai un avocat qui conteste tout ça, mais en ce moment je fais face à l’éventualité de mourir en prison pour un non-crime parce que j’ai dit la vérité au sujet de profiteurs corrumpus qui me tiennent captif.

Je suis l’oeuf qu’ils ont cassé pour faire une omelette.

L’État se fait l’illusion que qu’il est l’autorité et que je suis son sujet, que ses actions (quellles qu’elles soient) sont légitimes et que je vais quémander leurs faveurs à travers l’obéissance et la servitude. En réalité, on est deux parties en guerre. En guerre. Et je penses que je suis en train de gagner. Je ne vais cesser le combat pour rien de moins que leur capitulation inconditionnelle.

(A): Quelles sont les conditions et routines quotidiennes de quelqu’un en isolement solitaire? Comment faisais-tu pour approcher ça en maintenant ta santé mentale?

(Sean): L’isolement solitaire est un traumatisme sensoriel. La CIA a écrit un manuel sur comment désassembler la personalité humaine à travers la privation sensorielle. Ces stratégies sont maintenant employées domestiquement, partout, parfois arbitrairement et par simple caprice. Je connais un gars envoyé en isolement seulement pour être rentré dans un bidon de Kool-Aid et l’avoir renversé. Un isolement à long terme, pour une ou des années.

Une cellulle contient un lit, un combo toilette-évier, un tabouret d’acier et une plaque d’acier en guise de bureau. Ici, on a trois étagères. À Lucasville, t’as pas de télé. Ici t’es as. La télé a servi de leurre utilisé après une poursuite majeure, servant à amener les prisonniers à choisir à venir ici plutôt qu’à Lucasville, donc gardant la prison ouverte. Si ce n’était pas de la télé, personne n’aurait voulu venir ici plutôt que Lucasville, et la prison aurait été vide à 74%.
Ici, trois repas sont livré par une trappe à repas dans la porte. Cinq jours par semaine, t’as la chance d’être menotté et d’aller dans un aquarium en fibre de verre avec une barre d’altères, et t’y tenir pour une heure et demi. Ou bien tu peux aller passer une heure «à l’extérieur», dans un espace entouré de murs de béton de plus de six mètres de haut, un plancher en béton, et une grille d’acier comme plafond.

Après la récréation, tu te fais menotter et mettre sous verrour dans une douche de la grandeur d’une cabine téléphonique. Ensuite tu retournes dans ta cellulle. T’as aucune interaction humaine directe.

Les prisonniers crient souvent leurs conversations d’une cellulle à l’autre, ajoutant à l’inconfort d’autres comme moi. Beaucoup des prisonniers sont devenus presque infantiles dans leurs besoins, réduits par la privation sensorielle. Le gueulage, les disputes, le tapage, et le bruit est inéluctable et constant, avec le détérioré contribuant à la détérioration de tous.

À travers la routine quotidienne est définie par une absence absolue d’activité sur la stimulation, son expérience interne produit une réaction opposée. Au sein de toute cette mondanité il y a un sens gradissant de l’importance du mondain. Tu te mets à t’inquiéter et à me tracasser et à répéter et exagérer l’urgence des plus petits détails, jusqu’à ce que la sensation d’urgence devienne totalement envahissante.

Tout ça est parfaitement symptomatic de la privation, bien sûr… D’être complètement impuissant face à chaque aspect de la vie… D’un esprit en quête de sens et d’appor externe.

Un exemple. À la livraison du courrier, un garde me donne un gros tas de lettres. Ma réponse initiale est l’excitation, suivie d’un sentiment de panique, que je ne serais pas jamais capable de répondre à temps à tout ce courrier…. suivi par un sentiment de tragédie à venir. Or, ça aide de savoir que ce que tu subis est symptomatique d’un traumatisme délibéré que l’État t’inflige.

Si tu le sais d’avance, tu peux l’identifier comme un symptôme, le mettre en boîte, t’en distancer rationellement en l’analysant.

Rationellement, je sais que tout ce courrier est bon. Je sais que je suis enfermé dans une boîte avec des jours et des semaines de temps libre. Je sais que personne ne demande de réponse immédiate. Je sais que cette réaction de maniaco-panique est symptomatique de ce traumatisme, et que je dois me convaincre à me distancer de tout ça jusqu’à ce que je me sente rationellement connecté à ma réalité objective.

La rage irrationnelle est un autre symptôme prévisible. En fait, une réponse émotionnelle exagérée, point – (sic) mais la rage, pour des raisons évidentes, peut être particulièrement problématique. Je connais des «jours de rage». Des jours où je pourrais m’enrager seulement à cause que mon stylo s’est vidé de son encre, et que j’en cherche un autre. Ou parce que j’ai échappé quelque chose. Ou parce que ma lessive de la semaine arrive humide. Les «jours de rage» sont des jours où la moindre irritation te fais voulois détruire des choses avec une hache de guerre. Mais encore, si tu peux identifier l’expérience et l’analyser, tu de détractes de son pouvoir.

L’arme la plus importante, cependant, pour combattre la désorganisation mentale, émotionnelle et psychologique causée par l’isolement, c’est la raison d’être. Tu dois avoir une raison d’être. Tu vis avec une raison d’être, qui donne à la vie un sens. Et ce que dont tu fais l’expérience peut être compris en relation avec ta raison d’être et le sens qu’il donne.

Dans Colonizers Corpse, je soutiens que la seule orientation qui puisse être psychologiquement saine en isolement c’est celle de la résistance. De la perspective de cette orientation, quelqu’un se voit en conflit d’adversité avec ceux qui infligent ce trauma. La survie est un acte de défiance.

De prendre soin de soi, c’est de la défiance. De ce regard, le sens de la vie est de survivre (physiquement, émotionellement, psychologiquement, intellectuellement) et de contribuer de quelque façon que ce soit à la résistance – la résistance qui vise à faire tomber ceux qui sont les ingénieurs de ce trauma.

À partir de ça, un-e résistant-e reconnaîtra que l’isolation est seulement physique, alors que chacun-e de nous fait partie de quelque chose de plus grand, tous-tes contribuant, tous-tes connecté-es même si séparé-es pas plus de géographie. C’est vraiment la seule approche «saine». De travailler plutôt à se réconcilier à ses bourreaux, je pense, c’est pathologique dès le départ. Méprisant du soi et autodestructeur. Or, considérant ça, l’isolement peut seulement créer deux choses: le malade mental (la personne brisée qui cherche à embrasser ses bourreaux) et la guérilla guidée par la revenge qui désire une totale destruction de la machine à fourrage de cerveaux de l’État.

Je suis maintenant sorti de l’isolement solitaire. Mon statut a été réduit. Mais j’ai émergé de ça avec la santé à cause de mes connections avec le monde extérieur, mes relations, mes implications, mon engagement… de garder ma «tête» dans la lutte et hors de la déprivation mondaine, immédiate que j’ai vécu. Alors que beaucoup de prisonniers ont recours au sommeil comme échappatoire, je me suis trouvé à retourner au lit plus tard et à me lever plus tôt dans le but de m’attaquer à plus de projets. J’ai encore dix-sept livres sur mon étagère que je n’ai pas eu le temps de lire, même si je me réveilles par routine à cinq heures trente le matin et vais me coucher à ving-trois heures.

J’étais enfermé seul dans une cellulle.

Je n’ai jamais été seul.

(A): Une autre chose que j’aimerais aborder est le travail en prison. Quels sont les salaires et heures des travailleurs et quel pourcentage des prisonniers passent à travailler? Quel genre de travail et produits sont faits dans les prisons d’Ohio? Y a-t-il des grosses corporations qui en profitent et qui sont connues du consommateur moyen?

(Sean): Un principe général qui est nécessaire pour n’importe quel-le non-prisonnier-ère de comprendre avant de parler du travail en prison: tout en prison est un putain de mensonge*.

Par exemple, la «sécurité» n’est pas vraiment de la sécurité. C’est vraiment une combinaison de profitage et de provocation inutile.

Les «procédés disciplinaires» n‘instaurent jamais la discipline. La «programmation» n’apporte jamais d’ajustement programmé. Les «services alimentaires» ne produisent jamais de nourriture.

Et généralement, le travail de prison n’est pas du travail. En Ohio, à chaque niveau, 1, 2 et 3; les travailleurs doivent avoir un travail de prison d’assigné.

Il y a un petit nombre d’emplois de la Ohio Penal Industries, ou OPI – des boulots «d’usine».

On va parler de ça dans une minute. Mais mis à part ceux-ci, la vaste majorité des prisonniers de chaque prison se font assigner des emplois dans une sorte quelconque d’entretien ménager avec quelques dizaines d’équoes d’entretien de plus… et malgré ça, la plupart des prisonniers sont sales et tout est brisé.

Des emplois que j’ai eu: j’ai travaillé à la récréation. Je devais balayer et essorer une zone entre deux portes, d’à peu près un mètre et demi par un mètre et demi. Je faisais ça une fois par jour, à 10h30. Je faisais ça cinq fois par semaine. J’avais deux journées de congé donc je n’avais pas de tendinite avec tout ce travail. Un autre job, j’avais à balayer un escalier d’urgence. J’ai fait ça à chaque 2 ou 3 mois. On m’a assigné au «service communautaire» pendant plus d’un an après que le programme soit annulé. Personne ne s’en est rendu compte.
Or la vaste majorité du temps, la vaste majorité des prisonniers d’Ohio sont «fonctionnellement sans emploi», nonobstant leur «statut de travail» officiel.

Maintenant, quiconque impliqué dans la programmation éducationnelle, leur éducation est leur job. Tu vois beaucoup de prisonniers dont l’assignation officielle est «étudiant». T’as l’Éducation de base aux adultes, et les classe pré-GED, qui sont des vaches-à-lait pour du financement fédéral blanchies à travers le Ohio Central School System, qui est un office aux quartiers généraux centraux du système carcéral. Le système carcéral obtient X dollars par étudiant. Ça va sans dire, le ODRC a rendu le GED obligatoire dans le but de forcer les prisonniers décrocheurs à s’enroller dans des programmes vache-à-lait. Et parce que la plupart des décrocheurs ne veulent pas de GED, et parce qu’ils n’ont seulement qu’un court temps à faire, ces prisonniers sont seulement des fesses sur des sièges et la prison se met à verser les fonds dans des budgets d’opérations.

Cha-ching.

Le collège, bien-sûr, est une arnaque d’une autre variété. Les étudiants collégiaux font épuiser leur argent de bourse d’études dans n’importe quel collège présent dans la prison. À Mansfield et à Richland, c’est la Ashland University. À première vue, un-e prisonnier-ère entrant au collège en tant qu’«étudiant-e» se sent comme s’il-elle avait gagné la lotterie. Avec Ashland, on parle d’une université académiquement respectée. Super, non?

Bien, non. Pour quelques raisons.

Premièrement, t’as pas la même éducation que sur un campus. Les professeurs de carrière le roulent par les dés avec l’éventualité d’être les otages de la prochaine émeute de prison, or les instructeurs sont des pigistes sous-payés qui enseignent aux tests et donnent des notes selon une courbe. T’es plus idiot à la fin du cours qu’au commencement.

Deuxièmement, le certificat que tu «gagnes» te donne la chance d’avoir une tasse de café pour moins d’un dollar dans n’importe quel casse-croûte aux USAs. Bien-sûr, tu peux faire ça sans le certificat. Or le certificat sert à rien.

Résultat final, tu as des crédits du collège qui ne te font aucun bien et en fait te causent du tort car tu ne peux prendre de cours de niveau gradué sans la base de connaissance que tu manques, et tu ne peux pas re-suivre les cours de plus bas niveau car toute ton argent de bourses d’études est dilapidée. Si tu trouves un emploi avec ton éducation de prison, tu va la perdre rapidement quand les employés se rendent compte que tu manques la base de connaissances nécessaires au travail.

L’université? Ils obtiennent un financement garanti du gouvernement pour chaque étudiant prisonnier, pour plus que seulement payer le professeur pigiste de bas niveau, et additionnellement ils compabilisent tout l’enrôlement minoritaire en prison selon le total de l’université, permettant aux universités comme Ashland de garder les frais de scolarité assez élevés pour les banlieusards Blancs, conservateurs et protestants, décourageant les pauvres et les minorités.

Le résultat final, sur le long terme, est une mince contribution à l’imbalance éducationnelle en la faveur des Blancs riches tout en vampirisant les fonds de bourses d’études des pauvres et des minorités. Or, les universités bénéficient grandement de l’exploitation de prisonniers.

Toutes ces jobs que j’ai décrites paient des pinottes (arachides). Quelqu’un à la sécurité de niveau 3 fait 19$ par mois; au niveau 2, 21$; au niveau 3, 23$. Des pinottes. Ça crée un bassin désespéré de prisonniers voulant s’échapper par plus d’exclavage à travers la Ohio Penal Industries. Une de ces usines est à Mansfield, produisant des pièces pour les voitures Honda. Honda paie le salaire minimum pour chaque ouvrier. L’État collecte ça et redonne à chaque ouvrier des centimes à chaque heure. Les ouvriers de prison se ramassent avec un maximum de 90$ par mois et les poumons pleins de poussière de caoutchouc, alors que Honda coupe les frais de production drastiquement et que l’État fait rouler la prison gratuitement avec des surplus dans les poches.

Gagnant-gagnat-perdant.

Mais c’est ce que la paie stagnante de l’État sert à faire. L’horaire des paies a pas changé depuis le début des années ‘80. Pour avoir le même pouvoir d’achat que les prisonniers avaient quand la paie d’État a été établie, les prisonniers ferait plus de 300$ par mois, et personne ne détruirait sa santé à travailler pour Honda/YUSA.

Juste une observation, mais la situation actuelle renvoie vraiment la balle aux gens en soi-disant «liberté» aussi. Des ouvriers en liberté qui dorment dans leurs voitures alors que les prisonniers font du travail d’esclave à des salaires d’esclaves, et les gens en liberté aussi d’ailleurs.

(A): Au sujet des conditions de travail, de l’isolation, et de la vie quotidienne en général, comment les détenus se battent contre ça? Quelles stratégies et tactiques sont utilisées?

Malheureusement, la résistance à l’oppression et l’exploitation est rare. Il y a plusieurs dynamiques qui militent contre ça. Mais quand ça arrive, ça prend une de deux formes. T’as la réaction spontanée du «Tireur solitaire», et t’as les procédures réformistes.

Le «Tireur solitaire» est typiquement un prisonnier provoqué par l’État à un acte individuel de violence, qui finit toujours mal pour ce prisonnier. Poivre de cayenne, menottes, matraquage, les travaux. Certains gardes salivent à anticiper leur chance de brutaliser un captif.

Les procédures réformistes incluent les grèves de la faim et tentaties d’arrêt de travail – des tactiques disant «On va retourner à nos sièges assignés si…» Elles cherchent des concessions, des réformes. L’imagination des prisonniers s’aventure rarement hors de ces sortes d’approches. Mais il y a eu cependant un événement dont j’ai personnellement été témoin qui a brisé ce cycle d’échec. Mais, avant que j’en parles, c’est important pour moi de déclarer sans équivoque que je ne suis pas, n’ai jamais été, un membre de l’Armée des 12 singes.

Le ODRC m’accusé d’être le Singe #4, un des fondateurs du groupe. J’ai nié substantiellement toute implication et mon conseil légal prépare maintenant une contestation légale en Cour fédérale.

Ceci dit, écoutes-bien ça:

Septembre 2012. Prison de Mansfield. Sorties de nulle part, des milliers de pages de tracts des 12 Singes envahissent la prison avec des graphiques cools et des appels à attaquer la prison par le sabotage – des agrafes dans les serrures, des drains bouchés, destruction de machinerie, couper des fils de téléphone, perturber l’usine OPI. Il y avait aussi des manuels, faits par ordinateur avec des instructions explicities sur comment s’organiser et comment perturber la prison.

Et c’est arrivé.

Aucun employé chargé de cas ou gérants d’unités n’a pu entrer dans leurs offices à cause de verrous coincés. La plomberie de la cafétéria s’est effondrée et après qu’elle soit remplacée pour une somme dans les six chiffres, quelqu’un a versé du béton sec dans le drain et l’a bouché à nouveau. Les assauts sur les employés ont augmenté. Le nombre «12» a été taggé partout. Les prisonniers ont cassé des vitres au-dessus d’endroits où les employés se feraient pleuvoir dessus. Folie totale.

Les gens ont participé, indépendamment de leurs affiliations de gangs. Noirs, Blancs, Hispaniques… Selon tout apparence c’état apolitique. Pas d’argument, pas de théorie. Juste de l’action. Et tout le monde s’y est joint.

Pourquoi? Parce que c’était amusant. Catharsie. Une façon pour tout le monde de canaliser efficacement ce qu’ils avaient mis en bouteille. Un des tracts a montré un hélicoptère dans la mire d’un lance-pierre avec la mention: «JUST DO IT» .

Cette merde était tellement sérieuse, le FBI était sur les lieux en moins de 2 semaine… dans une prison d’un bled à Nulle-part, Ohio.

La raison pourquoi je défends que les 12 Singes ont été une disjonction critique des tactiques réformistes qu’on voit normalement est que les 12 Singes n’avait aucune liste de revendications, à priori. Il n’y avait pas de concessions pour normaliser les relations. Les 12 Singes ont cherché la chute du système carcéral. Leur seule revendication, il semble, était que le complexe industriel-carcéral cesse d’exister. Aussi, toutes les actions proposées étaient totalement non-médiées. Ce qui entend, pas de «leadership» pour «diriger» le «mouvement» ou de prises de décision centralisées ou bien de rappels à demeurer non-violents… C’était de l’action directe. La guerre.

Comme un participant m’en a fait part, plus tard, avec moi, «les 12 Singes ont deux règles, et seulement deux règles. Règle no. 1: Nique tout. Règle no. 2: Fais-toi pas prendre… Et pas nécessairement dans cet ordre.»

C’était un tout nouveau modèle de résistance pour prisonniers. Une orientation entièrement nouvelle. Ça se départissait même de la logique de l’émeute, au sens que 1es 12 Singes ne cherchaient pas à prendre le contrôle de la prison. Ils voulaient seulement descendre dans le total désordre.

Quatre mois après que ça ait émergé à Mansfield, une émeute de fin de semaine est arrivé à Lake Erie Correctional et quarante prisonniers ont été transférés d’urgence à Mansfield et retenus en quarantaine dans la même Unité de gestion spéciale qui détenait les accusés des 12 Singes de Mansfield. Depuis lors, la littérature des 12 Singes a fait surface dans plusieurs autres prisons, mais les informations sur ce qui se passe est impossible à confirmer car le ODRC nie que quoi que ce soit se passe.

Je comprends que la littérature des 12 Singes est en ligne à:

http://ge.tt/2ckaeFO/v/0
http://ge.tt/6UJJ4xP/v/0
et
http://ge.tt/6UJJ4xP

Ça demeure un mystère comment ça a pu entrer en prison, mais je crois que quand il y a la volonté, il y a les moyens.

(A): Merci pour cette entrevue, et est-ce que tu aurais quoique ce soit d’autre à dire?

Pour conclure, j’aimerais partager une citation de Meir Berliner, qui est mort en combattant en résistance aux SS dans le Camp de la mort de Treblinka.

Et en partageant ça, je crois que c’est important de noter que le taux de survie de ceux qui ont résisté dans les camps de la mort était plus élevé que ceux qui y ont coopéré. Quelque chose à retenir quand on considère que notre monde a été tourné en un Camp de la mort géant. La citation de Meir Berliner: «Quand un oppresseur me donne deux options, je choisis toujours la troisième.»

Qu’il y ait toujours de ceuxelles qui, comme Meir Berliner, choisissent la troisième option.

Ils peuvent pas nous avoir tous-tes.

Sean Swain

Pour lui écrire:

Sean Swain #243-205
OSP
878 Coitsville-Hubbard Rd
Youngstown, OH 44505

(* Je ne veux vexer aucun-e travailleur-euse du sexe avec l’expression «putain», dont la signification en soi diffère de ce travail, au sens où ça entend une commodification de l’être, de sa dignité, et pas seulement du corps. Quoiqu’il soit vrai que les putains se prostituent, c’est une grave insulte contre les prostitué-es que de les appeler par défaut des «putains», qui ne mérite qu’un coup de pied au bon endroit… Seulement que j’ai vu cette expression comme étant la plus appropriée comme traduction de «fucking» dans le contexte précis de cette phrase. «Putain» n’ayant aussi pas de genre déterminé (peut être employé au masculin comme au féminin), je conviens qu’il ne porte pas discrédit aux femmes en particulier.)

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